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Bernard Héritier

entre stars et étoiles, suivez le guide

Bernard Héritier est employé à la déchetterie de Promasens depuis maintenant 13 ans. Tous ceux qui la fréquentent ont déjà eu l’occasion de le croiser, voire d’échanger quelques mots avec lui. Coup de projecteur sur un personnage aux passions éclectiques et aux multiples casquettes

Dès le seuil de sa maison d’Eschiens franchit, on constate que Bernard est très actif, malgré de récents problèmes de santé qui l’ont obligé à faire une pause professionnelle. Maquette, pots de peinture et de colle trônent sur la table de la salle à manger, pour un projet à l’échéance proche et à teneur secrète pour son destinataire.

Vaudois d’origine, Lausannois pour être plus précis, Bernard a été élevé par ses grands-parents : « Je n’ai pas connu mon père. Quand ma mère a annoncé à ses parents qu’elle était enceinte, ils l’ont mise à la porte. » Quand Bernard est âgé d’un an environ, sa maman est envoyée à la Chaux-de-Fonds pour travailler dans une confiserie. Elle y épouse un employé et, ensemble, ils reprennent le commerce. Bernard, lui, reste chez ses grands-parents, sa mère n’ayant jamais pu le récupérer. Il a toutefois pu avoir contact avec elle, ainsi qu’avec ses deux sœurs. 

À 15 ans, Bernard effectue un apprentissage de paysagiste et a aussi des envies de comédie. Il décide de faire un numéro de clown à l’Hôpital orthopédique de Lausanne : « C’était vraiment de l’amateurisme au plus haut niveau. En fait, je voulais juste faire le clown, je n’avais pas de costume, je n’avais rien. Je tenais un bâton en équilibre au bout du doigt, je faisais de la musique avec une fausse trompette… J’avais un maquillage, un dessin sur du papier que j’avais découpé et collé (ndlr : sur son visage) avec du scotch. » Mais en réalité, ce qui attirait vraiment Bernard n’était pas le cirque, mais le théâtre.

 En parallèle à la comédie, Bernard Héritier exerce son métier de paysagiste. Au Cimetière du Bois de Vaux à Lausanne ou encore à la Clinique de la Source. Il habite à cette période avec sa femme et ses deux enfants dans le canton de Vaud, mais déménage à Ursy en 1986. Il commence alors un nouvel emploi à Mifroma, pendant 11 ans. 

Le théâtre reste cependant un élément central de sa vie : « J’ai commencé à faire des mises en scène, j’ai écrit une pièce. Mon fils a débuté le théâtre à Moudon, et le metteur en scène lui a demandé si je pouvais venir jouer dans une prochaine pièce. C’est comme ça que j’ai commencé. Et puis j’en ai fait une dizaine. J’ai fait ça à plein temps, oui. À plein salaire, non. »

 Bernard devient aussi organisateur de saisons pendant plusieurs années à Moudon, et côtoie bien des vedettes, entre Anémone, François Silvant, Yves Duteil, Joseph Gorgoni, Donney-Monney, Cuche et Barbezat et bien d’autres… Son job consiste à faire venir les artistes, négocier les cachets, programmer les dates, etc. Il officie également en tant que metteur en scène avec les écoles de Moudon et tire finalement sa révérence en 2014, à l’âge de 61 ans.

Non content d’avoir fréquenté des « stars », il a également fait la connaissance des vraies étoiles : « Comme j’étais aussi intéressé par le ciel étoilé, j’ai étudié l’astrophysique. Je trouve ça passionnant. Je suis guide officiel sur le site AstroPléiades, au-dessus de Vevey, depuis 21 ans. J’ai fait l’Université du soir et un pote prof de maths m’a mis en contact avec un de ses amis, professeur de physique. J’ai eu des cours particuliers. J’ai aussi suivi des formations auprès d’un astrophysicien de l’observatoire de Sauverny, engagé par le site d’AstroPléiades. »

 Habitant d’Eschiens depuis 1994, Bernard Héritier a depuis 13 ans une troisième casquette, celle de gardien à la déchetterie de Promasens. Cet emploi lui permet d’arrondir sa rente AVS et d’avoir un certain contact avec les habitants de la commune. Sur la qualité de ce contact, il nous résume avec philosophie : « J’ai toujours dit, le jour où je m’en vais, je vais écrire un bouquin sur les questions des gens. Il y a de moins en moins d’anecdotes truculentes, parce que je crois que les gens font attention à ce qu’ils disent et à ce qu’ils font, avec les réseaux sociaux. Mon idée de bouquin, c’est la même que « Chroniques caissières » (ndlr : où l’auteure, Eugénie Boillet, décrit des anecdotes qui lui sont arrivées en tant que caissière). Ça fait 4-5 ans que je les note, les unes après les autres. » Bernard nous fait part de la façon dont certaines personnes râlent et ne disent ni « bonjour » ni « au revoir ». « À l’époque je me disais, il y a 2-3 % des gens qui sont désagréables, alors ça va ! Maintenant, on a dépassé les 10%. »

 Dans le ciel, hormis les étoiles, les ballons passionnent également Bernard. Féru de montgolfières, il se rend chaque année depuis 35 ans au Festival International de Ballons à Château-d’Oex. Cet engouement a commencé lorsque, en 1986, il a eu envie de prendre des photos avec son appareil argentique Praktica : « Mes enfants avaient 4 ans et 2 ans ½. J’avais envie de faire de la photo couleur et j’ai vu dans un article à Noël qu’un mois plus tard avait lieu la semaine des ballons à Château d’Oex. On y est montés cette année-là, et c’est parti comme ça. Les années suivantes, on louait même un chalet pour la semaine. » Une passion qui s’est transmise à sa fille Linda, qui passe en ce moment son brevet de pilote de ballon.

 En 2012, pour ses 60 ans, l’amie de Bernard organise un voyage à Albuquerque pour la Alburquerque International Balloon Fiesta, où volent chaque année plus de 1000 montgolfières. Ils profitent aussi de s’arrêter à Orlando et visiter Disneyworld sur le chemin du retour, car Bernard est (aussi !) fan de parcs d’attraction. Lui qui ne jurait, au départ, que par Disney s’est aussi laissé séduire par Europapark. Et même si certains manèges lui sont maintenant déconseillés, il continue d’adorer ces univers. Son rêve le plus cher : se rendre aux parcs Disney de Hong Kong ou Shanghaï avec son amie.

 Manifestement, Bernard aime ce qui brille : les étoiles, les paillettes de la scène et les flammes des ballons. Parions que peu de personne devinent que le gilet du gardien – qui rappelle parfois à l’ordre les indisciplinés – se cache une personne joyeuse et positive. Une expérience de vie immensément riche rayonne à la déchetterie de Promasens.

Virginie Barrelet