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Marie-Lise et Ernest Pauli

un amour providentiel érit au tableau noir

Les enseignants, ça marque une vie ! Marie-Lise et Ernest Pauli, couple dans la vie comme à l’école, apparaissent dans de nombreux souvenirs scolaires. Des têtes blondes, ils en ont vu passer sur les bancs de l’école de Rue. Il suffit de regarder les différents albums de classes posés sur la table du salon pour en prendre conscience.

Ernest est né en 1946 à Progens et y a passé toute son enfance, avec ses quatre frères et sœurs. Son papa était maçon à l’extérieur, et les enfants étaient mis à contribution pour aider, avant et après l’école. Ernest se rappelle : « Nous avions le service de messe à faire tous les matins avant d’aller à l’école ! »

Issue d’une fratrie de 7 enfants, Marie-Lise a grandi à Granges (Veveyse) dans une famille paysanne. « Je suis partie tôt de la maison pour faire mes études à Fribourg. Ça été très difficile de quitter ma famille et ma campagne. » Marie-Lise a toujours été attirée par le dessin et la musique, qu’elle apprend en autodidacte : « Les études, c’est grâce à une enseignante française qui venait chez mes grands-parents. Elle m’a entendu jouer sur mon piano et m’a encouragée à partir. » En parallèle, elle a suivi quelques cours de piano et a apprivoisé la guitare grâce à une copine : « Elle me prêtait la sienne et me montrait comment en jouer. J’en ai reçu une à mes 20 ans, tout le monde s’est cotisé pour me la payer. » C’est avec ces bases qu’elle pourra créer, quelques années plus tard, le chœur d’enfants « Piccolo » de Rue. Elle a composé plusieurs chansons (ndlr : un CD a été édité « Si la vie » édition WoodBrass Music SA et l’une d’elles a été reprise sur le Circuit Secret®).

De son côté, Ernest a intégré le couvent de St-Maurice pour ses études. Il a ensuite poursuivi son cursus en France où il a étudié la théologie et la philosophie. L’enseignement s’est finalement révélé à lui, et Ernest est rentré en Suisse et a obtenu son brevet.

Pendant ce temps-là, Marie-Lise cherchait une place d’enseignante : « J’ai choisi Rue sur une carte postale. Je suis arrivée en bus, avec mes couettes et ma minijupe. C’est Madame Richoz, postière, qui m’a accueillie, avec un représentant de la commission scolaire. Je dois beaucoup à Rue. J’avais mon appartement en dessus de la salle de classe, c’était parfait. J’ai été accueillie et intégrée de manière magnifique, j’ai énormément de gratitude envers toute la population et Bernard Chofflon, mon collègue de l’époque. » Elle a repris la classe de 1-2-3P de Rue jusqu’en 1974. Elle a aussi intégré le chœur mixte et est devenue monitrice des pupillettes.

Il se sont rencontrés ensuite, une rencontre providentielle comme ils aiment le dire. Ernest se souvient : « Marie-Lise, tu as été la providence pour moi. C’était à la fête des musiques de Promasens, elle faisait le cortège avec ses pupillettes. Je l’ai vue avec son tutu rouge, c’était elle. » Marie-Lise ajoute : « On s’est rencontrés en 1972 et on s’est marié en 1973, entourés de nos élèves. »

Ernest enseignait alors à Bouloz. Marylise étant enceinte en 1974, il a fallu trouver quelqu’un pour reprendre sa classe et Ernest a saisi cette opportunité : « On n’a rien choisi finalement, tout s’est mis en place naturellement. »

Après un congé pour s’occuper de leurs deux garçons, Marie-Lise a ensuite repris avec des remplacements, ou assistait Ernest lorsque l’effectif de sa classe dépassait 30 élèves. Il y a eu très vite un regroupement scolaire avec Chapelle : les enfants allaient à Chapelle pour la 5-6P, les autres degrés étaient à Rue. En 1992, les Pauli ont dû trouver cet appartement à côté de l’école car celle-ci était en rénovation. Marie-Lise sourit : « Encore un signe de la providence, à la réouverture, la classe de 1-2P était dans notre ancien appartement ! »

En 1998, Ernest a démarré une formation universitaire en français et en théologie à distance qui lui a permis d’enseigner le catéchisme au CO de Romont. Il a ainsi diminué son pourcentage à Rue, laissant à Marie-Lise les 20% d’enseignement de sa classe.   

Ernest explique le travail en couple : « Ce n’était pas compliqué. On avait chacun nos horaires, nos branches. » Marie-Lise reprend : « Ce qui était plus difficile, c’était d’être toujours ensemble, de ne jamais sortir du travail. » Ernest taquine : « La complication ? C’est surtout quand les hommes, dans l’enseignement, sont devenus minoritaires. On a dû s’écraser et les discussions n’en finissaient jamais. »

Parmi les bons moments, Marie-Lise se souvient : « Nous avons étudié le thème des montgolfières en 1999, pour le tour du monde de Bertrand Piccard. J’ai composé une chanson, on l’a enregistrée et envoyée à la radio, qui communiquait avec eux. Ils l’ont entendue quand ils étaient en dessus du Mali. Madame Piccard a été touchée et a invité toute la classe à l’accueil de son mari à Château d’Oex. Les élèves ont pu chanter leur chanson, chacun en a gardé un souvenir magique. »

Ernest a pris sa retraite à 60 ans et Marie-Lise a arrêté au même moment. Ernest explique : « Arrivé à un certain âge cela devient compliqué, on ne peut pas enseigner les 1-2P de 35 ans à plus de 60 ans, on a besoin de se renouveler. L’enseignement au CO m’a fait du bien et m’a permis de voir autre chose. » Marie-Lise développe : « L’école du début nous laissait beaucoup de liberté et de temps, on était moins tenu aux horaires, il n’y avait pas de bus scolaires. Les dernières années, les charges administratives devenaient plus lourdes. Le gros changement vécu, ça a été l’ordinateur ! »

Ernest fait le bilan : « J’ai toujours considéré les élèves comme mes enfants. Quand je les rencontre aujourd’hui, je n’arrive pas à les vousoyer. Certains nous tutoient directement, d’autres n’arrivent toujours pas à nous appeler par notre prénom ; on sera toujours Monsieur et Madame Pauli. »

Marie-Lise précise : « Certains élèves viennent nous trouver. On a parfois du mal à les reconnaître. Certains ont tellement changé qu’on n’arrive à les reconnaître parfois qu’à la voix. C’est beau de voir que des élèves qui avaient des difficultés ont magnifiquement réussi leur vie, c’est une sacrée récompense. »

Quel rôle occupent-ils avec leurs petits-enfants ? « Grands-parents, c’est clair ! Bien sûr, on a un œil sur leur scolarité mais maintenant on est plutôt dépassé. On passe tous les jeudis en famille, on les garde, on prépare et on mange le repas ensemble, on est heureux de ces moments-là. »

Le couple conclut avec émotion : « On a peut-être beaucoup appris aux enfants, mais ils nous ont appris encore plus, par exemple la spontanéité et la fraîcheur. De les voir arriver avec leur petit sac et leur frimousse, ça effaçait tous nos soucis. Nous leur disons un énorme merci, ils nous ont appris la vie ! »

 Sophie Bosson