
Théo Rigolet et Tristan de Andrea
quand voyage riem avec pédalage
Pour beaucoup d’entre nous, lorsque nous pensons vacances, nous imaginons prendre l’avion pour une contrée lointaine et mettre en place dès l’arrivée un planning de farniente. Ce n’est pas un programme qui plairait au duo que nous vous présentons aujourd’hui et qui, accompagné de deux de leurs amis, a relié l’Italie à l’Albanie à vélo. Interview croisée avec Théo Rigolet, de Chapelle, et Tristan de Andrea, de Rue, 24 ans tous les deux et adeptes des vacances… intenses.

Théo et Tristan se sont rencontrés sur les bancs de l’école maternelle et ont passé toute leur enfance dans le cercle scolaire de l’ACER. Ils commencent ensuite tous deux un apprentissage d’automaticien, durant lequel ils rencontrent leurs deux futurs acolytes de virées diverses et variées, Antoine et Arnaud, fribourgeois également. Après l’obtention du CFC, Tristan débute la haute école d’ingénierie de Sion, et Théo le rejoint un an plus tard. Les quatre compères ne se perdent cependant pas de vue et partagent pas mal d’expériences, disons… rocambolesques : « Il y a toujours des combines quand on organise quelque chose. » Comme la fois où ils partent faire de la peau de phoque en montagne, oublient de vérifier la tente et se retrouvent à camper à même la neige à 3000m d’altitude, avec un des comparses qui n’a qu’un sac de couchage qui peut affronter 5 °C minimum…
L’idée d’un voyage à vélo germe d’abord dans la tête de Tristan. Sa vieille voiture rendant l’âme, il échange ses quatre roues contre deux. Cette bicyclette n’a qu’une vitesse et l’emmène quasi tous les jours à l’école d’ingénieur, quand le temps le permet. C’est lorsqu’il troque son vieux « biclou » contre un vélo à vitesses qu’il se met à envisager le vélo d’une autre façon : « Je peux monter un peu, faire des virées en VTT… c’est là que j’ai vraiment croché. » Théo, lui, fait du vélo moins régulièrement, mais tout de même : il accompagne son père dans ses balades cyclistes et participe plusieurs fois à la Glânoise (ndlr : course cycliste qui a lieu tous les printemps, avec un départ à Ursy.)
Tristan, Théo et Arnaud, à l’été 2022, planchent tous leur travail de Bachelor et ne peuvent donc pas prendre de vacances. Antoine, lui, est déjà salarié. À l’été 2023, ils décident de marquer le coup et de faire quelque chose tous ensemble. Tristan propose alors une virée à vélo : « Je suis quelqu’un d’optimiste, alors au départ je voulais traverser la Turquie en transports publics, rejoindre la Géorgie à vélo et passer par l’Azerbaïdjan. » La conjoncture politique de ces pays et les protestations de Théo s’occupent de ramener le projet à quelque chose de plus « raisonnable ». Pour eux, il n’est pas envisageable de jouer les visiteurs lambda et de suivre la piste la plus touristique, souligne Théo : « C’est un peu notre marque de fabrique : faire des choses que les gens ne font pas. Sortir de l’industrie du tourisme. » Tristan ajoute : « Faire un truc dont on n’a pas entendu parler, c’est tout de suite plus intéressant.» Ils préparent tous les quatre leur parcours : ils partiront de Cosaneo, en Italie, où vit la grand-tante de Tristan, et rejoindront Tirana, en Albanie, quelque 1500 km plus au sud, en passant par la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. 30 jours de périple, le tout à la force du mollet, sur un tracé défini à l’avance et des étapes déjà réfléchies, comme le décrit Théo : « On savait qu’on partait du nord de l’Italie et on savait où on devait arriver parce qu’on devait prendre le ferry pour le retour. Moi je voulais aller à Dubrovnik parce que ça avait l’air trop joli. On a noté chacun deux ou trois idées de ce qu’on avait envie de voir, et ensuite on a fait ce tracé-là. On n’est pas allés regarder chaque village sur Google pour voir à quoi ça ressemble. Si tu sais déjà ce qu’il y a derrière chaque virage, c’est long. Tandis que quand tu découvres un peu…»
Tout au long de leur voyage, ils enregistrent leur progression sur une application, PolarSteps, où ils font un bref compte-rendu – avec quelques touches humoristiques – de leur trajet du jour et ajoutent quelques photos (vous pouvez vous rendre sur le site à l’aide du QR code en bas de page). Leurs péripéties sont ainsi inscrites dans les internets et l’appli a permis à leurs familles et amis de suivre leur avancée en terres italienne et balkanique. 30 jours de pédalage à intensité variable sur un tracé que Théo nous décrit plus en détail : « On est partis de Coseano, tout proche d’Udine dans le nord de l’Italie et on est passés assez rapidement en Slovénie, pour rejoindre la côte Croate. En Croatie, on est un peu remonté à l’intérieur du pays pour admirer les cascades, un parc national assez connu. Nous avons enchaîné avec l’île de Novalja, puis sommes retournés sur la côte pour la longer et repartir ensuite un peu dans les terres pour visiter la ville de Mostar en Bosnie. À Mostar, on y a laissé les vélos et avons pris le train jusqu’à Sarajevo. Retour à Mostar, d’où on a pris le Ciro Trail pour se rendre à Dubrovnik (ndlr : le Ciro Trail est une ancienne voie de chemin de fer transformée en piste cyclable, qui relie Mostar, en Bosnie-Herzégovine, à Dubrovnik, sur la côte croate). Après Dubrovnik, on a continué le long de la côte pour entrer au Monténégro, plus précisément dans la baie de Kotor. À la suite de quoi nous avons roulé un peu de nouveau dans les terres pour rejoindre la capitale Podgorica. » Les dernières étapes se feront en Albanie, où ils préfèrent avancer rapidement pour se rendre directement à Tirana et atteindre en toute fin de périple la côte albanaise pour prendre le ferry direction l’Italie, puis le train du retour pour revenir en Suisse. Plus de 3700km parcourus au total, deux roues changées, presque pas de casse ni de malade. Malgré leur habitude de joindre leurs « combines », comme ils le disent, à l’agréable, rien de fâcheux ne leur est arrivé, hormis quelques villageois boudeurs et récalcitrants à les héberger.
Ce que Théo conseillerait à quelqu’un qui choisirait de faire ce type de vacances : « De faire ça avec des bons potes. » Tristan renchérit : « Je pense que c’est vraiment le plus important, le mieux ça a été l’ambiance générale. Quand tu es entouré par tes potes d’enfance, et que tout te fait rire, c’est ça qui fait que tu te souviendras de ce voyage. »
Bref, le mieux serait encore d’aller lire les quelques pages qui décrivent pas à pas leur expérience collective dans les Balkans. Le Pavé en a, lui, retenu une phrase qui pourrait avoir vocation de mantra pour tout cycliste : « La journée appartient à ceux qui font du d+1) le matin. »
Virginie Barrelet
1) d+ = dénivelé positif. Ça grimpe !