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« magic Maguy »

doyenne de la plus petite ville d’Europe

En ce début d’après-midi d’octobre, Le Pavé a rendez-vous avec la doyenne de notre nouvelle commune, de bientôt 98 ans. Prévenue quelques jours auparavant que notre mission était de faire son portrait dans la prochaine édition de notre journal, un éclat de rire fut d’abord la réponse de Maguy : « Une interview de moi ? Vous êtes sûrs ? » C’est son fils, Jacques, l’aîné de ses enfants, qui nous ouvre la porte et nous présente sa maman, assise dans un fauteuil du salon.  La fringante nonagénaire est prête à partager avec les lecteurs du Pavé un peu de son histoire et de son quotidien.

Enfance et formation

«Maguy» Baudois est née Marguerite Godel, en décembre 1926. Elle est la fille de Henri et de Caroline, huitième d’une fratrie de dix. L’aîné, qui s’appelle également Henri, deviendra curé, comme il était d’usage dans les grandes familles paysanne.

Ses parents, avant de s’établir dans la ferme familiale d’Ecublens, ont vécu quelques années à Rue, en tant que tenanciers de l’Hôtel-de-Ville. Pour preuve, Jacques brandit fièrement une assiette de l’époque, le sceau de la Commune de Rue apposé sur le rebord.

Maguy passe son enfance à Ecublens. Elle partage sa chambre avec ses sœurs Marie-Louise et Alice et participe aux corvées du ménage. Elle fait les courses au petit magasin du village, chez Mme Vaucher, ou à Rue, va aux patates et aux betteraves, fait les andains (ndlr : opération qui a pour but de rassembler en ligne des matériaux pour faciliter leur traitement, comme pour le foin par exemple) et va chercher le petit bois pour le feu du potager et du fourneau à molasse. Parfois, elle doit veiller sur le troupeau de génisses dans les champs environnants, mais mais heureusement plutôt rarement car ceci la stresse : il n’y a pas de parc pour garder les bêtes et elle est seule. Elle n’aime pas ça du tout.

À 15 ans, elle quitte l’école et part travailler dans un atelier de couture, à Lausanne, à la rue Neuve, tenu par Canisia Crausaz, avant d’entreprendre un apprentissage de couturière à Romont, chez Madame Cosandey. Toutefois, manque de chance, elle est la seconde apprentie et ne peut accéder aux cours dispensés pour sa formation. Elle n’obtiendra donc pas de certificat. En parallèle, Maguy suit alors les cours de l’école ménagère afin de parfaire ses compétences pour la tenue de son futur foyer.

À 20 ans, sa formation achevée, elle travaille encore quelques temps à Romont jusqu’à sa rencontre avec Jules Baudois. À l’époque, les occasions de rencontres ne sont pas légion. C’est lors d’une Bénichon à Ecublens qu’elle fait la connaissance de l’homme de sa vie, tout droit venu de Promasens. Après trois ans de fréquentation, ils se marient en 1951.

La vie de famille

Dès lors, Maguy quitte la ferme d’Ecublens pour Promasens et cohabite avec sa belle-famille. Jules est le fermier du bénéfice curial de la paroisse. En 1952, ils accueillent leur premier enfant, Jacques, qui sera bientôt suivi par Elisabeth, Claude, Jean, Marie-Madeleine, Fabienne, Daniel et Eric. À la naissance de la petite dernière, Sandra, qui débarquera dans la 45e année de Maguy, l’aîné, âgé de 19 ans, est déjà hors de la coquille. Le maître mot de cette période est « travail ». Leur vie est simple, mais les Baudois sont l’une des premières familles du village à avoir la télévision. Les copains et copines des enfants se donnent le mot pour venir regarder les nouvelles émissions sur le poste. Le téléphone sera installé plus tard et le chauffage central encore après. Jacques se souvient de s’être réveillé le matin, le duvet collé au menton, gelé.

En 1985, la famille a la douleur de perdre un des siens. En effet, Claude avait décidé de partir s’établir en en Australie en 1982. Malheureusement, trois ans plus tard, il est victime d’un accident professionnel et trouve la mort. Après quelques années, Maguy s’y rendra avec sa fille Elisabeth, sa sœur Alice et sa belle-sœur Lina pour lui témoigner un dernier hommage. « On ne peut pas oublier. Il faut accepter. Personne ne peut rien pour nous. »

À la fin des années 80, Jules et Maguy acquièrent l’ancienne école de Promasens, où ils emménageront à la retraite de celui-ci. Ils y passeront ensemble de douces journées, entre l’entretien du jardin, les voyages à l’étranger et leur active participation à la vie locale, jusqu’au décès de Jules en 2016.

Une journée-type de « Magic » Maguy

Maguy se réveille aux alentours de 7 heures. Elle fait sa toilette, s’habille toute seule, prépare son déjeuner fait de pain, de beurre et de confiture. Ensuite, une aide-soignante lui rend visite et lui prodigue les soins nécessaires, ainsi qu’un moment d’échange bienvenu pour se mettre en route pour la journée. À 10 heures, c’est le fitness ! Devant sa télé, Maguy se munit de son ballon et de son élastique et effectue les exercices de mobilité adaptés à son âge, pendant une trentaine de minutes. Elle est fidèle au poste, cette femme active qui a tant regretté ne plus pouvoir suivre les cours de yoga qu’elle avait débutés une quinzaine d’années auparavant. À midi, c’est l’heure du repas, qu’elle partage toujours avec Daniel et parfois un autre de ses enfants. Souvent, l’après-midi est consacré à la lecture du journal ou à regarder des jeux télévisés, si aucune visite ne vient l’animer davantage. Vers 18 heures, il est temps de souper. Après le téléjournal, elle se prépare à aller au lit. Daniel, le gardien de ses jours et de ses nuits, monte du rez-de-chaussée avec le chat Loulou, pour s’assurer que sa maman est couchée et pour lui souhaiter une bonne nuit.

« Je cherche… elle trouve ! »

Notre doyenne a 98 ans, a certes quelques problèmes de mobilité mais a toute sa tête ! Jacques précise qu’elle n’oublie rien : « Quand je lui apporte son pain préféré, le pain pèlerin, je le dépose à la cuisine. Ensuite, je lui tiens compagnie un moment et à l’heure de nous séparer, elle n’a jamais oublié de me remercier pour le pain. Elle a une mémoire ancienne et récente qui est encore extraordinaire ! »

Son secret ? « J’ai eu la chance d’avoir eu la santé. Le travail ne tue pas et il faut savoir profiter de tout, du temps qu’on a la santé et l’énergie ! » Sa richesse ? Ses 9 enfants, ses 13 petits-enfants et 12 arrière-petits-enfants unis autour d’elle.

Nathalie Defferrard Crausaz