
Culture du tabac dans nos régions
Une plantation typiquement fribourgeoise mais pas que
Pour cette page verte, partons à la découverte de la culture du tabac. Un soupçon d’histoire, une touche de médecine et un échange riche en enseignements.



Cette plante est ramenée au XVe siècle, du Nouveau Monde, par Christophe Colomb en Espagne et au Portugal. Entre le XVIe et XVIIe siècle, elle gagne rapidement l’Europe et l’Asie, de la Turquie à la Russie, en passant par l’Inde, le Japon, la Grèce et bien d’autres pays. Au XVIe siècle, le médecin du roi d’Espagne va promouvoir cette « herbe » comme « médicament universel ». Le nom de « nicotiane » lui est donné en l’honneur de Jean Nicot qui fera connaître cette plante en France. D’ailleurs, il se basera sur les effets curatifs du tabac dans la culture indienne afin d’en envoyer sous la forme de poudre à Catherine de Médicis pour soigner les maux de tête de son fils. Le mot « tabac », qu’on lui connaît aujourd’hui, lui sera donné au XVIIe siècle.
En 1621, une taxe sera imposée sur le tabac par le Cardinal de Richelieu. En 1642, le pape Urbain VIII interdit sa consommation. Enfin, en 1660, Jean-Baptiste Colbert développe royalement sa production et son commerce.
C’est en 1680, dans la région de Bâle puis du Tessin, que sa culture suisse débute. À la fin de la deuxième guerre mondiale, la Suisse n’ayant pas rationné le tabac, il y avait 6’000 planteurs. Aujourd’hui, 120 exploitations tabacoles subsistent pour une superficie d’environ 400 ha, répartie sur 8 cantons. En Suisse romande, principalement dans la Broye fribourgeoise et vaudoise, se trouve le 85% de cette culture, le reste se répartissant entre certains cantons alémaniques, le Jura et la plaine du Rhône. Sur la commune de Rue, nous retrouvions quelques exploitations agricoles, à Blessens, Gillarens, Rue et Promasens (où l’une cultive encore le tabac à ce jour).
À l’état sauvage, il existe une soixantaine d’espèces naturelles de tabac, allant du Brésil au Canada. En Suisse, nous trouvons deux sortes de plantes principalement cultivées : le Virginie (séché dans des fours) et le Burley (séché à l’air libre dans les hangars à tabac traditionnels). Depuis environ 7 ans, un autre type de tabac : le Burley en tige a fait son apparition depuis la France, pays dans lequel il est beaucoup cultivé. D’ailleurs, des essais ont été effectués pendant quelques années auparavant. Nécessitant moins de main d’œuvre et moins d’heures de travail, il est censé faciliter la vie des planteurs. C’est de cette sorte de tabac dont nous vous parlerons dans cette édition.
La culture du tabac en détails :
Première étape : l’hydro-culture. Les plants sont semés sous serre aux alentours du 10 mars. Il est très important qu’il n’y gèle pas.
Deuxième étape : la mise en terre. Vers le 10 mai, le tabac est planté en terre. Une main d’œuvre de 3 personnes est nécessaire pour environ 10 heures de travail pour une surface de 1 ha. Cela représente une plantation de 27’000 pieds. Le travail est effectué à l’aide d’une machine à planter, à deux rangs. Les conditions météorologiques idéales sont évidemment du beau temps mais aussi de la pluie toutes les deux semaines.
Troisième étape : la récolte. Elle s’effectue en principe au mois d’août, tout dépend des conditions météorologiques. Des jeunes de 15 à 17 ans sont souvent engagés pour le pendage au hangar. Un job d’été particulièrement apprécié des adolescents pour la bonne ambiance et qui n’hésitent pas à retourner dans les exploitations tabacoles d’années en années. Ces jeunes complètent à merveille le soutien des familles d’agriculteurs dont ceux-ci ne pourraient se passer, quel que soit leur domaine d’exploitation. Une machine de type « Kirpy » est utilisé pour la récolte.
Quatrième étape : le séchage. Appelée « dessiccation », le séchage est effectué à l’air libre pour le Burley en tige. Le principe paraît simple mais il n’en est rien. Lors de la récolte, les feuilles sont vertes. Elles passeront au jaune après environ 8 à 12 jours de séchage, à 25 degrés et 80% d’hygrométrie (mesure du degré d’humidité de l’atmosphère). Après 25 jours, à 65% d’hygrométrie, survient le « brunissement ». Mais là encore, il faut tenir compte des facteurs suivants :
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- trop d’humidité et la pourriture apparaît
- si la dessication survient trop vite, les feuilles deviendront jaunes marbrées
- si au contraire la dessiccation survient trop lentement, les feuilles pourrissent
Cinquième étape : dépendre et effeuiller. Si toutes les étapes précédentes se sont bien passées, il restera aux planteurs un dernier travail. Une fois dépendues, l’effeuillage s’effectue manuellement. Les feuilles de tabac sont triées en trois étages foliaires (bas – milieu – haut), afin notamment d’obtenir une couleur homogène. Pour cette étape, une main d’œuvre de trois à quatre personnes (selon la taille de l’exploitation) est nécessaire pendant environ un mois. La période débute à la mi-octobre jusqu’à la fin novembre. Toujours sous réserve des conditions météorologiques.
Avant la livraison, elles devront être séparées car elles seront utilisées selon leur teneur en alcaloïde. Après les quelques 1’100 heures de travail effectuées, les différentes entreprises, basées sur le sol helvétique, qui achètent le tabac sont les suivantes :
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- Philip Morris, à Neuchâtel et Lausanne
- Japan Tobacco, à Genève et Dagmersellen (LU)
- British American Tobacco à Boncourt
Bien que controversée et complexe, cette culture est importante, pour un certain nombre d’exploitations agricoles suisses.
Christelle Chillier
Sources :
www.swisstabac.ch
www.wikipedia.org
Journal : La Liberté du 25 juillet 2014
Journal : Agri Hebdo, 18 août 2017