
La vie recommence à 65 ans et continue bien au-delà
Être retraité ne signifie pas que l’on ne sert plus à rien, ni que l’on n’a plus besoin de rien. Intégrer ces réalités dans les politiques publiques n’est pas une mince affaire : traduire des notions générales et abstraites en actions définies et concrètes est un exercice ardu. Très lentement mais sûrement (chi va piano va sano !), le tintébin avance.

De grandes idées ont été inscrites dans la Constitution du canton de Fribourg : « les personnes âgées ont droit à la participation, à l’autonomie, à la qualité de vie et au respect de leur personnalité » (article 35) ; « l’État et les communes favorisent la compréhension et la solidarité entre les générations » (article 62). Cahin-caha, un concept cantonal Senior+ a vu le jour en 2015. L’échelon suivant s’ébranle à présent : un montant de CHF 10’000.— a été inscrit au budget 2025 pour le lancement du plan d’action communal et une commission ad hoc, créée dans la foulée, a posé les premiers jalons.
À tout âge, la qualité de vie repose en grande partie sur un élément intrinsèquement lié à notre humanité : les liens sociaux. Le programme d’activités et d’accompagnement communal se construit principalement à partir de ce constat élémentaire, dans le but de favoriser les contacts et les échanges, toutes générations confondues. La population de nos villages représente environ 2’600 personnes, parmi lesquelles on trouve 436 habitantes et habitants âgés de 65 ans et plus. Le projet a vocation de jouer le rôle de la « Maïzena » et de la spatule dans un caquelon : faire en sorte que tous les ingrédients se mélangent bien et tiennent ensemble. D’ailleurs, le concept communal s’appelle « Tous ensemble ».
Pérenniser l’existant et ne pas se marcher sur les pieds
Il faut relever que certaines mesures existent déjà. Un service de livraison de repas à domicile fonctionne depuis longtemps dans nos villages, géré au travers de l’Antenne Sociale Glâne Sud. La migration programmée du service social en direction du district impliquera de réinventer quelque chose pour poursuivre cette mission autrement. La société de gym de Rue propose depuis un peu plus d’un an des cours pour seniors, bien fréquentés. Continuer à soutenir cette initiative, notamment par la mise à disposition de locaux, fait partie du catalogue des mesures.
La commission souhaite concentrer les actions communales dans les domaines où le pouvoir local est un réel levier et sans empiéter sur ce que d’autres organismes font déjà très bien. La fondation Pro Senectute est très active et dispose d’un catalogue bien garni de prestations et activités. Le canton est engagé dans des thématiques comme les soins, l’habitat, le travail aux alentours de l’âge de la retraite. Le niveau régional est aussi concerné et il relève du simple bon sens que certaines choses soient organisées à cet échelon. Toutefois, faire en sorte que tout ce qui est proposé par les uns et les autres parviennent aux oreilles des intéressés fait partie de ce que la commission communale peut faire concrètement. Avez-vous déjà entendu parler du « Café Bla Bla » ? Cela se passe à Rue, à la buvette des Fourches. Mise sur pied par Pro Senectute, cette activité est aussi favorisée par la commune, qui prête l’infrastructure (cf. Le Pavé no 7, juin 2024). Certains thèmes du plan cantonal sont totalement hors de portée communale (typiquement l’habitat). La commission veut mettre l’accent sur les axes « développement personnel », « vie associative et communautaire » et, à titre subsidiaire (en complémentarité), dans le secteur « services ». Dans ce chapitre, l’idée d’un service de taxi à la demande sera notamment étudiée. Dans la paix de nos campagnes, se déplacer quand on ne conduit plus peut vite devenir très compliqué. Fréquenter le cours de gym du mercredi fait le plus grand bien. Mais s’il faut pour cela rallier Rue à pied depuis Auboranges, il y a de quoi se résigner à rester dans son fauteuil. De même, Alain Chollet, conseiller communal et membre de la commission, dit savoir que quelques personnes vont à la déchetterie à pied. Probablement pas par conviction écologique. Chez nous aussi, il y a quelques tristes réalités.
Les premiers pas intergénérationnels
En 2012, le rapport social cantonal a mis en lumière le fait que les contacts intergénérationnels sont quasiment inexistants en dehors du cercle familial. Les moins de trente ans et les plus de septante ans ne se fréquentent pas. Pourtant, ce qui est formidable avec grand-papa ne doit pas l’être beaucoup moins avec la grand-maman des autres ! Pour commencer d’agir sur ce plan dans nos villages, quatre rencontres thématiques sont programmées en 2026 : un barbecue des générations à l’Accueil extrascolaire, un coup de balai ludique rassemblant enfants, parents et seniors, la journée « Poivre & Sel » avec les sociétés locales et un atelier confitures, pour réunir cheveux gris gastronomes et petits doigts gourmands. On se réjouit de goûter !
Participer à la communauté
Les seniors représentent une catégorie très hétéroclite. Certaines personnes sont fragilisées et les mesures en leur faveur divergent beaucoup de celles destinées à un public qui a surtout besoin de rester actif, utile et engagé. Pour favoriser l’activité et les rencontres, des ateliers/chantiers permanents sont prévus : construction et installation de nichoirs, coup de pinceaux aux bancs publics, etc. Afin de reconnaître de manière tangible les précieux services à la collectivité, une forme de rémunération -au moins symbolique- est envisagée, via un système de type carte Reka.
La panoplie d’actions communales évoluera, s’étoffera et sera ajustée en fonction des retours d’expérience. Au démarrage, les tâtonnements sont inévitables. Selon la célèbre maxime popularisée durant le covid et à l’instar d’un autre Alain, Alain Chollet veut aller « aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire ». Au-delà de ce qui peut être fait par la commune, tout un chacun peut agir à son niveau pour éviter l’ostracisme des plus de 65 ans. Cela commence -tout bêtement- par connaître ses voisins, avoir une idée de leurs conditions de vie et s’abstenir de regarder lâchement ailleurs. Dans notre pays qui compte 25 IRM pour chaque million d’habitants, la pathologie la plus meurtrière se nomme « l’indifférence ».
Marinette Boillat Chatton