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Plan directeur du patrimoine

comment conjuguer le passé au présent

Lors de sa séance du 14 décembre 2023, le législatif a pris connaissance d’un pavé (!) » de 122 pages, baptisé « Schéma directeur Patrimoine ville de Rue ». Cette bible défini les lignes directrices pour l’aménagement du bourg de Rue en adéquation avec la valorisation du patrimoine bâti. Rêver d’un destin touristique est une chose, en faire une réalité nécessite un peu de méthode.

Le Pavé s’est plongé dans la lecture de ce volumineux document. Premier constat : c’est fouillé, documenté, argumenté. L’étude dissèque finement ce qui fait l’identité et l’intérêt historico-patrimonial du bourg de Rue. Tout y passe : façades, fenêtres et leurs encadrements, volets, toitures, lucarnes, balcons, balustrades, paysages, arborisation, matériaux, murs, seuils et relations à la route, terrasses, etc.

Immuable mobilité contrariée

L’étude répond à une exigence cantonale, en lien avec deux serpents de mer rothaviliens : la construction d’un parking (envisagé sous la place de la Foire) et l’aménagement de la traversée de localité. Sans surprise, les auteurs du rapport relèvent à quel point l’automobile est un problème dans une citée érigée avant l’invention du moteur à explosion. Circulation, manœuvres et stationnement sont kafkaïens et la cohabitation avec les piétons périlleuse. La création d’un parking semble s’imposer pour qu’il soit agréable de se balader au centre de Rue et avoir ainsi l’occasion d’admirer les lieux. Dans l’idée d’apaiser, simplifier et clarifier la mobilité, l’étude suggère notamment d’instaurer une zone de rencontre (vitesse limitée à 20 km/h) dans le bourg historique. Cela ne correspond pas aux normes usuelles pour une route cantonale, mais la pesée des intérêts et la réalité du terrain plaident dans ce sens. Pour les mêmes raisons, une entorse aux normes d’accessibilité  pourrait être envisagée pour les arrêts de bus du centre historique. Il n’est décidemment pas possible de faire tout et son contraire en même temps : le trottoir surélevé n’est pas le contemporain des diligences.

Plein la vue

Les alentours de la plus petite ville d’Europe regorgent de jolis coups d’œil sur le château et le bourg à ses pieds. Ce qui est peut-être moins connu, c’est que la cité elle-même offre des percées sur la campagne avoisinante et même au-delà, selon l’endroit et la météo. Ces points de vue valent certainement le détour et l’étude met le doigt sur leur existence. Elle égraine par ailleurs une série de recommandations pour révéler, restaurer et conserver les nombreux charmes des lieux. Tout un chapitre est consacré à l’éclairage. Quand on connaît les ravages des lumières dans les cabines d’essayage, on ne s’étonne pas que cette question soit importante !

L’herbe plus verte ailleurs… ou pas

C’est un fait : ce que l’on a tous les jours sous les yeux a tendance à perdre de son attrait. Des regards extérieurs et d’une telle étude incitent à considérer notre cadre de vie avec une attention renouvelée. Les 122 pages du rapport ouvrent une perspective et des pistes. La suite appartiendra à la cité et donc aux citoyens, maîtres de leur destin en démocratie, même dans les localités richement dotées d’un château de conte de fées. Nous n’avons certainement pas fini de parler de cette musique d’avenir, dans le Pavé, au café et à la déchetterie, puisque l’horizon temporel d’un plan directeur est de l’ordre de 10 à 15 ans. Conjuguer le passé au présent en l’écrivant au conditionnel futur nécessite un peu de temps et de réflexion.

Marinette

À quoi sert un plan directeur ?

Quand on s’apprête à partir pour une longue randonnée, il vaut mieux anticiper et planifier son voyage. Une fois le but fixé, cela permet notamment de définir le meilleur itinéraire et d’augmenter les chances d’arriver à bon port.

En matière d’aménagement du territoire, c’est pareil. Le plan directeur est un voyage dans le futur, à  un horizon à moyen terme (10 à 15 ans). Il sert avant tout à donner une vision du développement et garanti la cohérence des actions. Les plans communaux s’inscrivent dans les plans cantonaux, ils assurent la nécessaire coordination. C’est un exercice de prospective et un outil d’aide à la décision. Il permet d’anticiper les besoins, d’éviter la cacophonie et les initiatives contre-productives. Il vaut en effet mieux éviter de passer une législature à défaire ce qui a été fait durant la législature précédente, surtout avec les deniers publics.

Le plan directeur constitue des directives que l’autorité se donne à elle-même. Il n’est donc contraignant que pour les autorités. C’est la raison pour laquelle il ne fait pas l’objet d’une mise à l’enquête. C’est lors de la mise en œuvre concrète des principes émanant du plan directeur, au travers des plans d’affectation et du règlement d’urbanisme, qu’une procédure de consultation est menée. Car à ce moment-là, les effets ont une incidence directe sur les citoyens, qui disposent alors d’une voie pour faire valoir leurs droits.