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150 ans de l’église de Promasens

Naissance d’une grande dame de pierre

Avant de reprendre le fil de nos épisodes historiques au prochain numéro du Pavé (n°4 qui paraîtra au mois de septembre 2023), nous vous proposons un détour par la naissance de son église et de sa paroisse à l’occasion de leur anniversaire.

A chaque seigneur sa chapelle

La mention de la première église à Promasens, située à l’époque sur le cimetière que nous connaissons aujourd’hui, date de 1180. Au Moyen Âge, chaque seigneur construit sa propre chapelle dans l’espoir de recevoir les grâces du ciel. Les paysans font de même en plaçant des croix au bord des chemins ou près de leur ferme. Les rogations, cérémonies dont le but est d’attirer les bénédictions divines sur les travaux des champs, passent par ces endroits chaque année en mai. Cette tradition a d’ailleurs perduré jusqu’au Concile du Vatican II, le 11 octobre 1962. Certaines de ces croix existent encore dans notre commune, notamment celle située au bout de l’impasse En Favez, à Rue.

Avançons un peu jusqu’au XIIIème siècle. La paroisse fait maintenant partie du Décanat de Vevey. Un « château » (maison forte) est construit à côté de l’église pour prélever la dîme et protéger les voies romaines qui sillonnent les villages environnants.

En 1404, le Marquis Anselme De Maillardoz est enseveli dans cette ancienne église, de même que le Marquis Rolet De Maillardoz, en 1413, et le Marquis Mermet De Maillardoz, en 1416, dans un caveau dédié à Notre-Dame de Lourdes.

En 1452-1453, lors d’une visite pastorale, l’Evêque de Grenade constate que l’église est sale : elle sert de salle de banquet, de marché et de lieu de danse, entre autres. Il demande l’excommunication par le pape s’il n’y a pas de changement de comportement de la part des paroissiens et du clergé. Résultat, les choses se transforment effectivement : la liturgie évolue et des bancs sont posés dans l’église. A gauche de l’allée centrale se trouvent maintenant les femmes, avec leur chapeau ou mantille obligatoire, et avec les bras couverts. Les hommes, eux, sont placés à droite. Au-delà de la chaire, vers le chœur, on installe les jeunes filles à gauche et les garçons à droite.

La paroisse est ensuite intégrée à la châtellenie de Rue et des seigneurs de Rue, puis devient fribourgeoise en 1536 dans la préfecture et dans le district de Rue. En 1569, le village de Promasens obtient ses premiers statuts communaux et, le 5 mars 1578, le Marquis Baptiste De Maillardoz confirme la fondation d’une chapelle.

Les huguenots à nos portes

Toujours à cette époque, des huguenots (protestants) venant de France arrivent aux portes de Promasens et d’Auboranges, qui resteront cependant catholiques. A Lutry (VD), en voyant les protestants arriver, les paroissiens prennent peur. Ils cachent d’abord le crucifix en bois de leur église dans le lac Léman et finissent par le vendre pour 2 quarterons de poires séchées aux paroissiens de Promasens – cette croix est celle qui surplombe encore actuellement les fidèles dans l’église de Promasens. Ces mêmes habitants troquent également une statue de Saint Théodule toute neuve contre 4 mesures de poires sèches, mais à une condition : si Lutry retourne au catholicisme, Saint Théodule doit leur être rendu en bon état contre la même quantité de poires séchées ou, à défaut, 2 setiers de vin.

Un chemin dangereux

En 1622, époque où les évêques ont encore un pouvoir temporel et spirituel, les habitants de Rue demandent à Monseigneur Jean De Watteville, évêque de Lausanne, de ne plus se rendre en hiver à Promasens avec des enfants, des femmes enceintes ou des vieillards : le chemin est jugé trop dangereux. Ils souhaitent ériger une église à Rue, au lieu de la chapelle où seuls les baptêmes sont autorisés. Toutes les autres cérémonies doivent se faire à Promasens. La requête n’est pas encore accordée quand, en 1629, Pierre, Comte de Savoie, répare la maison forte de Promasens et y cantonne des gens d’armes pour assurer la sécurité des chemins et des gens venant assister aux offices religieux. Il faut dire que les attaques de brigands sont légion à cette époque dans les environs. En 1638, la paroisse de Rue est créée. Les offices religieux ainsi que toutes les liturgies se font dorénavant à Rue et ne nécessitent plus de se déplacer à Promasens.

L’église déménage

A Promasens, faute de place, l’église est déplacée, reconstruite et agrandie, entre 1869 et 1872, à sa place actuelle. Le sable utilisé semble provenir des abords de la Broye, la chaux est livrée de Roche (VD) par tonneaux. Les pierres dures et la molasse ont pour fournisseurs les carrières d’Ecublens, de Chapelle, de Bossonnens et d’Oron, et tous les artisans de la région participent aux travaux. L’installation des cloches est à elle seule un événement nécessitant notamment le transport par chemin de fer d’un cabestan de Fribourg à Vauderens. La plus grosse cloche, coulée en 1870 et nommée le bourdon de la Vallée, pèse 3,5 tonnes. Les boiseries des autels et des portes sont, elles, la création d’un spécialiste de Will (SG), Monsieur Muller.

En 1864, M. Jean Pasche, citoyen de Promasens, institue une rente pour les pauvres de la paroisse. En 1869, il lègue par testament, 10’000 francs de l’époque pour la grande cloche de la nouvelle église, à condition qu’elle sonne chaque fois qu’on dira la messe à son intention et celle de ses parents. En 1878, Feu Girard de Gillarens, dans ses derniers jours, manifeste la volonté de doter l’église d’un autel en l’honneur de Saint Antoine.

Une grotte, située à La Tabuchire et consacrée à Sainte Marie, est construite en 1954. Creusée dans la molasse, elle s’effondre… Elle sera reconstruite à un autre emplacement, en pierres de tuf de la Broye. Cette grotte se situe en amont de la salle polyvalente, en montant le petit chemin qui grimpe derrière l’école.

La suite de la riche histoire de l’église est réservée aux samedi 24 et dimanche 25 juin 2023, lors de la fête de ses 150 ans : un livre d’une trentaine de pages, édité par René Vonlanthen, sera présenté à cette occasion. Vous pourrez alors le commander.

Roger Perriard/Virginie Barrelet/Alexandre Chatton

Photos de la cloche
Unité pastorale St-Pierre Les Roches