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Souvent souverains varient

L’Histoire a démontré – et démontre encore aujourd’hui – que l’homme n’a de cesse de vouloir conquérir de nouveaux territoires. Notre région ne fait pas exception à cette règle. À travers les âges, elle a passé de mains en mains, au gré des migrations des peuples divers et des transactions politiques entre royaumes et empires. La création de nos régions telles que nous les connaissons aujourd’hui a pris du temps, sur fond de religion, d’appartenance ethnique, d’appât du gain et de domination politique et militaire. Dans cet épisode, nous passons en revue, jusqu’à l’an 1000, les propriétaires successifs des terres que nous habitons.

​Des voies romaines toujours existantes

Nous sommes en -58 av. J.-C. Repoussés par Jules César lors de la bataille de Bibracte, les Helvètes occupent la partie alémanique du plateau suisse. Un peu plus tard, pendant le règne de Claude 1er, de 41 à 54 après J.-C., la voie romaine du col du Grand-St-Bernard, alors appelée Jupiter Mons, qui se traduira plus tard en Mont-Joux, est rendue carrossable. Cette période romaine signe la transformation de la mentalité et de la culture des Helvètes, grâce notamment à l’amélioration des voies de communication et à l’arrivée de citoyens romains. Notre réseau routier actuel, développé dans la seconde partie du XXème siècle par la Confédération, a repris, à quelques détails près, le tracé des voies celtiques améliorées par les romains.

Pax Romana puis chute de l’Empire romain

Entre le II et IIIème siècle, la Pax Romana (paix romaine imposée par l’Empire romain sur les régions conquises) règne sur l’Empire romain dont Rue fait à l’époque partie intégrante. Puis, dès la fin du IIIème siècle, des incursions barbares des Alamans (ou Alémans) ont lieu, d’abord en Germanie, puis sur le territoire suisse actuel, où les villes sont pillées et de nombreux vici (petits villages) sont détruits. Avenches (Aventicum), d’ailleurs, capitale de l’Helvétie au début du IIe siècle et dévastée en 258 par les Alamans, ne s’en relèvera pas.

Ces événements – malgré les victoires des Empereurs Probus en 281 et Julien en 357 qui repoussent les Germains – ramènent progressivement la frontière le long du Rhin où des lignes défensives (forteresses et tours de guet) sont construites par les empereurs successifs du IVe siècle. Inquiètes, la population et les troupes romaines commencent à quitter le Rhin, dès 401, pour regagner le sud des Alpes, abandonnant définitivement le territoire suisse aux Burgondes, aux Helvètes et aux Alamans. En 443, le général Aetius déplace le peuple des Burgondes sur le plateau jurassien pour l’utiliser comme rempart contre les Barbares, avant d’affronter Attila en 451. L’assassinat d’Aetius en 454 provoque le retrait des troupes romaines sur le sud des Alpes, marquant la fin de l’occupation romaine sur le territoire suisse aux profits des peuples germaniques dits « fédérés », à savoir les Burgondes et les Alamans.

Sur le plan religieux, le christianisme devient la religion officielle de l’Empire romain, grâce à son empereur Constantin (vers 312-325), qui s’y convertit pour raisons personnelles ou par calcul politique, on ne le sait pas avec certitude. Vers 500, Saint Augustin (ou Augustin d’Hippone) reprend la théorie de la séparation des pouvoirs de l’Évêque de Milan (Ambroise de Milan) et alloue au pouvoir temporel (donc aux souverains et au pouvoir civil) la tâche d’aider l’Église à établir ici-bas la ». Le droit de l’État est absorbé par le droit ecclésiastique : tous les Évêques de l’Église sont des Princes et possèdent à la fois le pouvoir temporel et spirituel. Ce qui est encore le cas pour certains souverains vivant à notre époque, notamment en Angleterre avec Charles III et l’Église anglicane, dont il est le chef spirituel et constitutionnel.

En 481, après la mort du dernier Empereur d’Occident (Romulus Augustus), les différents peuples se constituent en tant que royaumes (Ostrogoth, Alamans, Burgondes) et nous appartenons à celui des Burgondes. La chute de l romain, vers 550, provoque beaucoup de conflits entre ces royaumes et c’est d’ailleurs autour de cette date que les habitants du bourg du château de Rue se réfugient dans le castra à flanc de rocher.

L’Empire contre-attaque

Des pandémies ont également lieu à cette époque : de 541 à 542, la peste Justinienne (qui doit son nom au fait qu’elle a sévi sous le règne de l’Empereur romain Justin) fait 30 à 50 millions de morts. De 735 à 737, la variole fait un million de morts au Japon. Nous continuons à passer de mains en mains et, entre 800 et 843, Rue fait partie de l’mpire carolingien, créé par Charlemagne. Après la mort de Charlemagne, en 843, et avec le traité de Verdun, sa descendance se dispute le territoire carolingien et le morcelle en différents royaumes. Le roi d’Italie Lothaire 1er en devient l’empereur et nous passons sous son joug. En 887, le roi Charles III réussit à reconstituer temporairement l’Empire carolingien, mais sans y inclure notre territoire qui, en 888, demeure territoire du oyaume de Bourgogne. Durant la période s’étalant de 933 à 1378, nous faisons partie intégrante du Saint Empire romain germanique et devenons d’abord propriété du Royaume d’Arles, puis celle du Royaume d’Italie.

Les archives de Rue à Turin 

Les prédicateurs de l’église catholique apostolique annoncent la fin du monde pour l’an mille. Mais une fois la date fatidique passée et la fin du monde n’étant plus un risque – la même crainte d’ailleurs que certains ont pu avoir lors du passage à l’an 2000 – on s’autorise à construire des châteaux en pierres sur les éperons rocheux un peu partout, surtout en France. En 1036, l’empereur Conrad II donne des droits à Humbert 1er, qui devient alors le premier comte de Savoie, région dont nous faisons alors partie. De 1416 à 1861, les comtes de Savoie, parce qu’ils servent les rois de France, deviennent Ducs de Savoie et Rois d’Italie (dont la capitale de l’époque est Turin), de Provence et de Sardaigne. C’est ce qui fait que la plupart de nos archives de cette époque sont encore aujourd’hui entreposées et visibles à la bibliothèque royale de Turin.

Roger Perriard, Virginie Barrelet