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La petite enfance prend sa retraite

Trois cents frimousses et la maîtresse au milieu

Vive les vacances ! Durant 23 ans, Corinne Richard a fait vivre l’école maternelle, accompagnant les premiers pas vers l’autonomie d’une ribambelle de bambins de nos villages. Elle prendra sa retraite à la fin juin, après trois déménagements et des milliers de comptines et coloriages. Elle restera « la première maîtresse » d’une kyrielle d’enfants, dont les premiers ont bien grandi depuis.

Le « Memory » est un jeu populaire et son efficacité pour entraîner la mémoire n’est plus à démontrer. Corinne Richard y obtient sans doute des scores remarquables, car plus de vingt après, elle reconnaît les parents d’élèves et se souvient du prénom des enfants ! Les jeux occupent d’ailleurs une place tout à fait centrale à la maternelle, à la fois dans la salle de classe et dans la carrière de Corinne Richard. Elle s’est toujours appuyée sur ce puissant vecteur pour guider les enfants dans leurs apprentissages.

Des balbutiements à la maturité

Le concept de l’école maternelle remonte à la fin des années 1980, à l’initiative de Catherine Savary, un autre visage bien connu des anciennes têtes blondes. Un premier tournant intervient en 1996 : Catherine Savary rejoint l’école enfantine et passe le témoin de la « petite section ». Durant les années suivantes, trois responsables se succèdent à la maternelle, jusqu’à l’arrivée de Corinne Richard, à la rentrée 2002. Débute alors une longue phase de stabilité et une belle histoire, qui trouve son épilogue plus de vingt ans après, soit au moment où les premiers élèves sont en âge d’être les potentiels parents d’aujourd’hui. Longtemps, l’école maternelle était hébergée dans le bâtiment de l’ancienne école ménagère, à Rue, à la rue du Casino. Puis elle a migré au centre de Promasens, dans le complexe communal, avant de rejoindre ses quartiers actuels, à Auboranges. Chacun de ces déménagements a beaucoup fait transpirer Corinne Richard, qui relève toutefois que cela a aussi été des occasions de faire du tri. Et elle a heureusement pu compter sur le soutien logistique et les bras solides de l’équipe de la voirie.

Un métier, une vocation, un bonheur

Jusqu’à l’introduction de la 2e année d’école enfantine, l’effectif annuel était de l’ordre d’une quarantaine d’élèves, chacun fréquentant la classe 1 à 2 demi-jours par semaine. Depuis l’abaissement de l’âge d’entrée en scolarité obligatoire, la maternelle accueille les petits dès deux ans, jouant toujours pleinement son rôle de phase d’introduction à la suite du parcours. Une trentaine d’enfants défilent dans l’année, par groupes de 10 à 12 au maximum. Les grands (appelés « les papillons ») chapeautent les plus jeunes (baptisés « les chenilles ») et prennent ce rôle très à cœur. Corinne Richard explique que les premiers mois nécessitent tout le travail de mise en place, puis la dynamique se met route : « Dès que ça roule, je me régale ! » s’exclame-t-elle dans un grand sourire. Elle a manifestement un plaisir fou à voir tout ce petit monde évoluer et s’épanouir. C’est d’ailleurs ce qui l’a retenue si longtemps, malgré les contraintes et les embûches. L’activité à la maternelle correspond pleinement à sa vocation et à sa formation d’éducatrice de l’enfance. Initialement, elle œuvrait conjointement à Palézieux (dans les locaux de Serix). Mais par la suite, elle a été contrainte de cumuler avec une activité dans une crèche lausannoise. Comprenez qu’au terme de sa matinée en maternelle, elle sautait dans sa voiture avec un sandwich, à la poursuite de la case suivante de son agenda. S’occuper des enfants des autres est évidemment une lourde responsabilité. Le faire bien nécessite des compétences et un gros investissement personnel. « C’est un métier ! » résume pertinemment et efficacement Corinne Richard. Ce n’est pas de tout repos et elle a plusieurs fois été tentée de s’épargner le gymkhana entre la Glâne et la capitale vaudoise. Mais il se trouve que son grand bonheur est au milieu de la classe de maternelle.

Aussi pour les grands

Avec son expérience, elle aurait pu devenir directrice de crèche, mais son amour de la pratique l’a gardée sur la réalité du terrain. « Dans un bureau, on a des grandes idées », glisse-t-elle malicieusement. En revanche, son solide bagage, complété par un brevet fédéral de formatrice d’adulte lui a offert l’occasion de transmettre ses connaissances aux futurs professionnels : un jour par semaine, elle dispense les cours aux apprenti(e)s, assistants et assistantes socio-éducatifs (ASE). Au début, c’était pour toute la Suisse romande. Puis, le nombre d’apprenants a augmenté, au fur et à mesure du développement des structures d’accueil. Actuellement, Corinne Richard enseigne à Lausanne et Fribourg. Elle entend conserver cette activité encore un an ou deux, en concentrant ses cours, pour s’offrir de vraies vacances à l’automne prochain.

Prêts pour l’envol

En deux décennies, la maternelle a changé de locaux et les élèves ont rajeuni. Certains fils rouges n’ont pas varié d’un iota : les besoins des enfants sont les mêmes et l’activité de la maternelle s’articule autour de ce terreau à cultiver. Le besoin de bouger est très important (deux à trois heures par jour !) et il y a différentes façons d’y répondre, même dans une salle de classe. Corinne Richard a ainsi suivi une formation spécifique « Youp-là bouge », pour intégrer au mieux ce paramètre. La mission fondamentale de la maternelle est de permettre à l’enfant d’acquérir l’autonomie nécessaire aux étapes suivantes de sa vie et cela passe par une multitude de petites choses : découper, se laver les mains, faire un jeu de groupe, nettoyer des pinceaux, écrire son prénom, enfiler une veste et la fermer, mettre ses chaussures tout seul comme un grand ! Au-delà de ces apprentissages par le jeu, la classe est aussi l’occasion de rencontrer des copains. De grandes amitiés se sont nouées entre deux puzzles, un livre et une chanson, sous les yeux de Corinne Richard. Si ses élèves des cours professionnels sont plus âgés, ce qu’elle leur apporte n’est dans le fond pas très différent : que ce soit auprès des bouts de chou ou des jeunes adultes, Corinne Richard veille à bien les équiper pour l’avenir. Elle nourrit les ailes des papillons. Et elle aime, par la suite, savoir qu’ils volent bien : « J’aurai toujours du plaisir, au détour d’un achat à Oron ou d’une fête de village, d’avoir des nouvelles de mes petits devenus grands ».

Marinette Boillat Chatton

Selon les informations publiées sur le canal illiwap communal, la maternelle continue à la rentrée, sous la forme d’une structure entièrement communale