Sélectionner une page

Garage Hervé Baudois SA

Pour que ça roule et tourne rond

L’avarie qui chamboule la journée du conducteur lambda constitue le défi quotidien qui motive Hervé Baudois. Identifier la source du problème et y remédier : c’est la question mystère qui titille les neurones du jeune entrepreneur, chaque énigme résolue apportant le carburant pour s’attaquer au problème suivant.

À l’occasion de cette interview, Hervé Baudois s’est rendu compte que son entreprise fêtera ses dix ans d’existence en automne 2025. « C’est affolant ! » s’exclame-t-il. De toute évidence, ces années ont passé à 100 km/h. Au départ, Hervé avait pourtant pris une autre voie, avec un apprentissage d’agriculteur. CFC en poche, il a enchaîné avec la mécanique, autre secteur d’intérêt de longue date. Mais attention : la mécanique automobile et non celle des machines agricoles. Contre toute attente, Hervé n’aime pas ça ! Trois ans pour apprendre la maintenance, puis deux ans de plus pour le sésame de mécatronicien. À l’arrivée, trois CFC et huit ans consacrés à la formation. Pas dégoûté pour autant, Hervé aurait volontiers poursuivi avec le brevet fédéral, ou un CFC en carrosserie. Mais c’est l’entreprenariat qui a pris le pas.

Tout ce qui roule, ou presque

L’idée d’être son propre patron flottait dans son esprit dès le départ, que ce soit en agriculture ou en mécanique. Après ses obligations militaires et un an de salariat, Hervé s’est lancé dans l’aventure de l’indépendance. Les impératifs de cette condition ont – du moins pour l’instant – freiné ses envies de formations supplémentaires, exigeantes en termes de temps et d’énergie. Il mijote toutefois de s’initier à des techniques comme le covering, qui consiste à appliquer un film qui personnalise la couleur d’une voiture (vous pouvez ainsi changer son look sans changer de voiture), ou la pose de film de protection PPF. Transparent et résistant, celui-ci protège la carrosserie contre les multiples agressions qui guettent tout véhicule en circulation : griffures et rayures, impacts de gravillons, frottements lors du chargement et déchargement du coffre. C’est vite arrivé, au grand désespoir de celles et ceux qui aiment préserver l’éclat du neuf de leur carrosse.

Le garage Hervé Baudois SA s’occupe de tout véhicule, sans distinction de marque. Les habitués du lieu peuvent néanmoins régulièrement remarquer la présence de belles voitures. Hervé aime spécialement la mécanique des voitures de collection ou celles des modèles sportifs, ce qui attire cette frange de clientèle. Cela n’enlève rien à l’attrait de la modeste auto ordinaire : du moment qu’il y a un diagnostic à poser et un problème à résoudre, ça fait le bonheur du mécano, qui part en chasse avec autant d’ardeur qu’un chien truffier. Par contre, quand on évoque la voiture électrique, les yeux d’Hervé s’éteignent instantanément. S’il s’est formé à l’entretien courant de ces véhicules, pour lui une voiture électrique « ce n’est pas une voiture, c’est un ordinateur sur roues et ce n’est pas mon métier ! »

Rallye quotidien

En ce samedi matin, le garage est officiellement fermé. Cela n’empêche pas le téléphone de sonner et le passage de deux clients. Les visiteurs du jour sont manifestement très contents : « Le travail est toujours bien fait, aussi vite que possible, la voiture rendue propre. » Au passage, une bouteille de vin est déposée sur le bureau, aux côtés des pièces mécaniques qui font à la fois office de décorations et d’outils pédagogiques (rien ne vaut une démonstration en 3D pour expliquer clairement tel ou tel problème). Si la reconnaissance des clients est une énorme récompense aux efforts permanents, les contraintes d’entrepreneur sont bien réelles. Hervé fait attention à ne pas se faire entièrement dévoré par son métier. Il n’empêche qu’il travaille volontiers tôt le matin, reste en soirée et sacrifie souvent un bout de week-end. Il faut ce qu’il faut pour faire tourner une entreprise et le calme (parfois relatif) permet de rester concentré de bout en bout. De quoi trouver mieux et plus vite ce qui ne fonctionne pas sous le capot du moment.

Quadrature du cercle

Pour préserver un minimum de qualité de vie, Hervé a désormais renoncé à effectuer des dépannages, sur demande de la police lors d’accidents, et sur mandat du TCS durant la nuit. Si cette activité est stimulante et intéressante (chaque intervention est un challenge), les services de piquet sont astreignants et pas forcément rentables, financièrement et humainement. Car même sans avoir à se lever au milieu de la nuit, la vie de garagiste indépendant est intense et soumise à de nombreuses pressions. Se passer de voiture est souvent un casse-tête pour les clients, les pièces commandées mettent parfois beaucoup de temps à arriver et le mécanicien jongle au milieu de ces deux paramètres contradictoires. Une réparation n’est pas forcément réglable en un claquement de doigts : par exemple, il faut compter huit à dix heures pour une intervention sur un turbo. Un devis est toujours établi au plus juste, mais le passage de la théorie à la pratique réserve parfois des surprises désagréables. Un écrou rouillé (le sel fait des ravages sous nos latitudes) est bien moins coopératif que lors de sa sortie d’usine. Hervé explique qu’il « fait toujours au mieux » et on sent qu’il lui arrive d’être confronté à des attentes irréalistes, alors qu’il n’est pas magicien, malgré son énorme bonne volonté.

Pousser les murs

Cela étant, il affirme que si les prochaines années sont comme les dix premières « je signe tout de suite ! ». Le rêve ultime d’Hervé, en l’état sans doute inaccessible, serait de pouvoir construire un garage entièrement conçu pour une organisation optimale. Il explique avoir déjà douze mille fois réfléchi à modifier l’agencement des locaux qu’il occupe actuellement, mais qu’il « manque toujours un mètre en large ou deux mètres en long ». On le croit sans peine, car quand il parle, on sent ses neurones s’activer autour de l’équation, comme lors d’une recherche de panne. Si Hervé Baudois travaille avec les mains dans le cambouis, c’est manifestement son cerveau qui carbure le plus fort.

Marinette Boillat Chatton