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Hôtel de Ville de Rue – Sébastien Suard

Cueilleur d’émotions, cuisinier de passion

Depuis 2019, le restaurant de l’Hôtel de Ville à Rue est tenu par Sébastien Suard. Ce chef épicurien, aux origines glânoises, nous accueille sur la terrasse située à l’arrière du bâtiment, avec vue panoramique sur les champs et forêts environnants. Le tintement des cloches des vaches ajoute à cette image d’Épinal un petit charme bucolique.

Sébastien est un enfant du cru. Né à Billens il y a 34 ans, il grandit entre Romont et Billens. Après sa scolarité, il effectue plusieurs stages, dont un auprès de Pierrick Suter, à Lucens. Et c’est le déclic : il veut être cuisinier. Après ses trois ans d’apprentissage à la Poularde à Romont, Sébastien sent pourtant qu’il manque une corde à son arc : la pâtisserie. Il enchaîne alors avec un apprentissage de pâtissier-confiseur auprès de Nicolas Bertherin, à l’époque à la rue de Lausanne, à Fribourg. Les opportunités s’enchaînent ensuite : retour chez Pierrick Suter à la fin de son 2e apprentissage, qui lui propose la place de chef pâtissier dans son restaurant. Chez lui, il combine pâtisserie et cuisine. Sébastien travaille ensuite pour plusieurs tables renommées, notamment chez Carlo Crisci au Cerf à Cossonay, Alain Baechler – à l’époque aux Trois Tours à Bourguillon –, puis aussi chez Carlos Martinez, étoilé Michelin en Angleterre, chez qui Sébastien perfectionne son anglais. 

Son arrivée à Rue relève du hasard : un jour qu’il dînait chez son ancien patron, il apprend par un habitant du village que le restaurant de l’Hôtel de Ville est à remettre. Avec sa compagne, ils visitent et se lancent. Ayant déjà dans le viseur la volonté d’ouvrir leur propre table, la proposition tombe à pic ! Même si ouvrir dans un petit village qui ne se situe pas sur un trajet touristique et fréquenté représente un challenge, Sébastien et Alice sautent le pas et ouvrent en 2019. Après 6 mois d’exploitation seulement, le Covid fait son entrée et malmène le couple nouvellement installé. Malgré tout, cette période a été vécue de manière positive par Sébastien et son équipe, car elle a été source de rencontres, grâce aux différents mandats proposés par des privés et de grandes entreprises ayant besoin d’un restaurateur à domicile.

L’idée initiale de Sébastien : ouvrir une table gastronomique en Glâne, inexistante jusque-là, tout en conservant le midi un côté « brasserie » accessible. Son style ? « Saisonnier, simple, avec une ligne de conduite claire. Ça veut dire que si je parle d’un filet de bœuf à la carte, il est l’ingrédient principal. Et c’est important de travailler avec les saisons donc on change les menus tous les mois. C’est un challenge de monter chaque mois une carte avec 7, 8, 9 plats différents. Aller chercher les produits, trouver les producteurs, trouver quelque chose d’original. Travailler sur les vins par rapport aux plats qu’on va servir. »

Le chef privilégie les producteurs locaux et se fournit auprès des personnes de la région.

Et il aime y ajouter sa touche personnelle : c’est lui qui cueillera les chanterelles présentes sur le prochain menu. Certains légumes, petits fruits et herbes de son jardin honorent également les assiettes, en fonction des saisons.

Sa principale source d’inspiration : la nature. Passionné de pêche, de cueillette et de jardinage, il cherche à retranscrire dans l’assiette les sensations et les émotions d’un moment vécu dehors : odeur, texture et ambiance.

Quand on lui demande s’il constate une évolution dans l’exigence de la clientèle, il acquiesce et ne s’en offusque point : « Je dirais que les gens sont plus avisés. Il y a des clients qui sont très épicuriens, qui adorent manger. Et c’est pour ça que, dans chaque menu, on essaie de mettre une touche d’originalité, de surprendre un peu. Par exemple, en ce moment on a un amuse-bouche qu’on présente en tant que tomate-mozzarella. Mais ce n’est absolument pas de la tomate-mozzarella. C’est juste pour titiller l’esprit des clients. De là, on va créer la curiosité. »

Alors qu’il prétend ne pas posséder réellement de plat signature, il précise : « Il y a des plats qui me marquent, il y a des plats que j’aime bien faire, il y a des plats que les clients me redemandent. Moi j’aime travailler tous les produits. »

Avec 14 points au Gault & Millau, Sébastien n’a pas vocation à vouloir aller plus haut. Il ne vise pas les étoiles (Michelin) et préfère rester à taille humaine, proche de sa clientèle : « On travaille ensemble, on connaît notre clientèle. Ça ne me ressemble pas de rechercher le plus. Je suis simple, je suis papa, je suis pêcheur, je suis cueilleur et cuisinier. »

Vous comprendrez dès lors que lorsque nous demandons quels sont ses projets pour le futur, le chef reste simple : garder la même ligne de conduite, en y apportant quelques améliorations, avec en point de mire de mettre toujours plus en avant le concept du restaurant.

Son parcours ressemblerait presque à un conte de fées. À un jeune qui voudrait se lancer, il dirait : « La passion. Il faut être passionné. La motivation, et ne pas avoir froid aux yeux. Oui, on va passer à côté de certaines fêtes, des week-ends, à côté de certaines choses, dû aux horaires. C’est un métier qui est difficile, c’est un métier qui est dur, mais c’est un très beau métier, où on ne fera jamais la même chose tous les jours. On fait plaisir aux gens avant tout et ça, c’est extraordinaire : d’avoir un sourire, un remerciement, d’avoir transmis une émotion, d’avoir rappelé un souvenir à quelqu’un, ça vous remonte les batteries en deux secondes, c’est impressionnant. Mais l’essentiel c’est la passion. »

En misant sur la simplicité, la saisonnalité et son lien avec le terroir, Sébastien a su faire sa place dans l’univers de la cuisine gastronomique fribourgeoise. Mais peut-être finalement que la véritable star de l’assiette, c’est la passion.

Virginie Barrelet