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Charlotte Surchat

à la recherche de soi sur le chemin de St-Jacques

Au printemps 2023, Charlotte Surchat, 25 ans, traverse une période de « flou » professionnel. Une idée lui vient alors : se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 2 mois et demi de périple durant lesquels la jeune femme de Blessens, va se retrouver et décrocher son emploi actuel de curatrice. Revenons avec elle sur les traces de son voyage.

Quelques années plutôt, sa maman lui avait proposé de randonner sur un des chemins jusqu’à Compostelle, quand elle en aurait le temps.

Après avoir étudié l’économie, effectué la HEG (Haute école de gestion) en cours d’emploi et travaillé dans les assurances, la jeune femme prend une année sabbatique : « J’arrivais au terme de cette période et je ne savais pas dans quoi je voulais me lancer. Je savais que je voulais partir un peu dans le social mais que je ne voulais plus retourner dans l’économie. Pour moi, c’était dur de ne plus avoir de but, jusqu’à ce moment-là j’ai toujours eu la chance de faire ce qui me plaisait. Mais j’étais perdue ! C’est à cet instant que l’idée de partir jusqu’à Compostelle m’est revenue, je l’ai proposée à ma maman. Je me suis dit qu’on pouvait déjà prévoir 10 jours et comme j’avais le temps, si cela se passait bien, je continuerais. C’était le seul projet qui me tentait et surtout qui « m’appelait », comme si c’était la seule solution à ce moment-là. D’ailleurs c’est simple. Le chemin est indiqué, il nous suffit de nous arrêter quand on est fatigué et ne penser à rien d’autre. Souvent les gens disent que de marcher toute la journée, on ne doit faire que penser mais finalement, la tête « se vide ». Il n’y a plus rien à décider, juste mettre un pas devant l’autre. Le fait que le corps avance, d’avoir un but, le mental fini aussi par avancer. »

« J’ai fait les 10 jours avec ma maman, puis j’ai continué toute seule. Nous sommes parties du Puy-en-Velay juste en dessous de Lyon. Il s’agit du chemin le plus fréquenté, tout en sachant qu’il existe un réseau de chemins partant de toute l’Europe.. J’aurais pu partir de la maison vu qu’un des chemins passent par Moudon, mais pour une première fois, je me sentais plus rassurée de partir sur un chemin où tout est facilité (auberges, magasins, indications). »

Pour la jeune femme, c’est un chemin initiatique. D’ailleurs, elle pense qu’il est fait pour que les pèlerins en tirent des enseignements, s’observent sans jugement, se reconnectent au présent et en profitent.

Elle explique les différentes étapes vécues.

L’acceptation : en étant chez elle, Charlotte se trouvait dans une période de flou, ce qui l’énervait. Tous les jeunes autour d’elle avançaient dans ce qu’ils souhaitaient et elle avait l’impression d’être bloquée, ne comprenant pas pourquoi et ne s’autorisait pas à l’être.  « Je me disais que d’avoir une crise de la quarantaine à 25 ans, ça ne jouait pas. Puis je me suis rendu compte qu’il fallait simplement l’accepter, que c’était normal d’avoir des périodes de doutes. Cela pouvait arriver à n’importe quel âge. »

Le bonheur : après cette prise de conscience, Charlotte s’est sentie bien : « Je me suis dit que j’avais de la chance d’être heureuse maintenant et ce n’était pas donné à tout le monde, que je devais en profiter. » Elle a compris que rien n’était figé dans le temps.

L’ouverture vers ce qui arrive : La jeune femme a compris qu’elle devait saisir les opportunités qui s’offraient à elle.

Charlotte nous confie que lors du départ, elle n’avait aucune peur sauf celle de revenir à la maison après ces deux mois et demi, sans avoir réussi à trouver une solution professionnelle ). Au bout d’un mois, elle a réussi à lâcher prise et a reçu la photo d’une annonce pour un poste de travail. Grâce à des coups de mains, elle parvient à transmettre son dossier de postulation depuis son pèlerinage et à décrocher un entretien d’embauche qui la fera interrompre sa marche et revenir en Suisse quelques jours. Contrat en poche, elle décide de profiter du mois qui lui reste avant de commencer ce nouveau travail. Elle retourne en train sur le parcours qu’elle avait quitté pour ainsi atteindre son but : marcher jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle puis jusqu’à la borne km 0 à Finisterre.

« Pendant tout le trajet, on marche avec le soleil derrière nous, à Finisterre on se retourne et c’est comme une renaissance avec le soleil devant nous. »

T’es-tu préparée pour ce projet ?

« Pendant mon année sabbatique, j’ai voyagé deux mois, puis travaillé la saison d’hiver comme monitrice de ski, donc le physique n’était pas un souci. Quant à ma maman, elle marche tous les matins en forêt. Pour les hébergements, je m’étais renseignée et nous réservions de jour en jour, puis quand j’étais seule, je ne réservais plus et m’arrêtais quand j’en ressentais le besoin. Pour les effets personnels, il faut tenir compte qu’on doit tout porter. Le Chemin se fait au rythme du pèlerin, donc très lentement, il faut penser à tenir sur la longueur. Il nous apprend à nous écouter, écouter notre corps. Aller à son rythme, se reposer, boire de l’eau régulièrement sont des besoins vitaux qu’il faut savoir respecter. »

Parle-nous de tes rencontres sur le chemin.

« La rencontre avec Alice, qui m’a aidé pour la postulation, s’est faite naturellement, on n’attendait rien l’une de l’autre. On se retrouvait régulièrement avec un groupe mais sans se donner rendez-vous. C’est-à-dire que j’ai souvent souhaité revoir telle ou telle personne, car je n’avais pas fini une discussion ou autre, et on se retrouvait. En fait, tu te rends compte que tout ce dont tu as besoin, tu le reçois. Les personnes ne sont pas là par hasard. »

« Pour la petite histoire le chemin menant à Compostelle est aussi appelé « Le Chemin des Étoiles ». Il a été nommé ainsi car les reliques de l’apôtre Saint-Jacques ont été retrouvées par un berger grâce au chemin des étoiles. »

Charlotte confie qu’elle a gardé les enseignements appris sur le chemin, mais que notre rythme de vie ne permet pas de « lâcher » comme on en aurait besoin. Elle souhaite retourner sur le chemin lorsque le moment sera venu. D’abord, une autre aventure l’attend juste après notre rencontre :  le GR 20 en Corse (200km de marche à travers les montagnes avec plus de 11000m de dénivelé positif). Charlotte se sent prête et impatiente pour ce challenge, ce pèlerinage et, surtout, ce nouveau rendez-vous avec elle-même.

Christelle Chillier