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Le chardon

de sauveur à envahisseur

Le chardon, souvent perçu comme une mauvaise herbe envahissante, est pourtant un symbole ancré dans l’histoire et la culture écossaise. Emblème national depuis le XVe siècle, il aurait alerté les Écossais d’une attaque nocturne norvégienne par les cris des assaillants piqués par ses épines. Malgré son importance historique, il demeure une plante envahissante qui nécessite une gestion rigoureuse dans les jardins et les champs.

Un végétal à la conquête des espaces

Les chardons sont des plantes vivaces particulièrement résistantes et prolifiques, qui peuvent rapidement devenir un problème dans divers environnements : jardins domestiques, prairies naturelles ou exploitations agricoles. Leur capacité d’expansion repose sur deux caractéristiques majeures : un système racinaire profond et une reproduction impressionnante, leur permettant de coloniser rapidement un territoire et d’entrer en concurrence avec d’autres espèces végétales.

Un système racinaire robuste et tenace

L’un des principaux atouts du chardon est son système racinaire puissant. Contrairement à de nombreuses plantes dont les racines sont superficielles, les chardons développent des racines pivotantes qui plongent parfois à plusieurs mètres de profondeur. Cette caractéristique leur confère une résistance exceptionnelle aux conditions difficiles, notamment aux périodes de sécheresse, car ils peuvent puiser l’eau et les nutriments en profondeur.

En outre, leur capacité de régénération est remarquable. Même après un arrachage ou une coupe, la plante peut repousser à partir des fragments de racines restés en terre. Cette faculté explique pourquoi une élimination partielle est souvent inefficace et peut même favoriser leur prolifération.

Une reproduction massive et efficace

En plus de leur résilience souterraine, les chardons possèdent une capacité de reproduction impressionnante. Chaque plante peut produire plusieurs milliers de graines par saison, équipées de soies légères facilitant leur dispersion par le vent. Ces graines peuvent ainsi parcourir de longues distances avant de trouver un sol propice à la germination.

Les animaux participent également à leur dissémination : certains mammifères transportent involontairement les graines sur leur pelage, tandis que les oiseaux peuvent les ingérer et les redistribuer via leurs déjections. De plus, certaines graines peuvent rester dormantes dans le sol pendant plusieurs années avant de germer lorsque les conditions deviennent favorables, compliquant ainsi leur éradication.

Un équilibre entre contrôle et préservation

Malgré leur réputation de nuisibles, les chardons jouent un rôle essentiel dans l’écosystème. Leurs fleurs riches en nectar attirent de nombreux pollinisateurs, comme les abeilles et les papillons, contribuant ainsi à la biodiversité. Certaines espèces d’oiseaux se nourrissent également de leurs graines.

La gestion des chardons ne vise donc pas nécessairement leur éradication totale, mais plutôt un contrôle raisonné qui limite leur impact tout en préservant leurs bénéfices écologiques. Une approche équilibrée, combinant prévention, arrachage ciblé et solutions naturelles, permet de minimiser les nuisances sans perturber l’environnement.

Le cadre légal en Suisse et dans le canton de Fribourg

La gestion du chardon en Suisse, et plus particulièrement dans le canton de Fribourg, est encadrée par plusieurs lois et règlements visant à limiter son expansion dans les cultures agricoles.

Au niveau fédéral

  • Loi fédérale du 29 avril 1998 sur l’agriculture
  • Ordonnance fédérale du 31 octobre 2018 sur la protection des végétaux contre les organismes nuisibles particulièrement dangereux

Au niveau du canton de Fribourg

  • Loi du 23 juin 2006 sur l’Institut agricole de l’État de Fribourg
  • Loi du 3 octobre 2006 sur l’agriculture et son règlement
  • Ordonnance de la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) du 23 avril 2007 instituant des mesures de lutte contre le chardon des champs, qui stipule que les foyers de chardon des champs (Cirsium arvense) doivent être éliminés avant la formation des graines.

Les espèces de chardons concernées en Suisse

Trois variétés de chardons sont particulièrement visées par les réglementations agricoles et environnementales en raison de leur caractère envahissant et de leur impact sur les cultures :

  • Le chardon des champs (Cirsium arvense) : Espèce vivace très problématique pour l’agriculture, il possède un système racinaire puissant qui lui permet de repousser rapidement après une coupe et de coloniser des parcelles entières, réduisant ainsi le rendement des cultures.
  • Le cirse laineux (Cirsium eriophorum) : Reconnaissable à son feuillage recouvert d’un épais duvet blanchâtre, ce chardon est moins fréquent mais peut être envahissant dans certaines prairies et pâturages. Il est problématique pour l’élevage, car difficilement consommable par le bétail.
  • Le cirse vulgaire (Cirsium vulgare) : Ce chardon bisannuel se développe surtout sur les sols perturbés et les friches. Bien qu’il soit moins agressif que le chardon des champs, il peut poser problème en milieu agricole et dans les pâturages.

Ainsi, la gestion du chardon repose sur une approche réfléchie et adaptée, conciliant enjeux écologiques et nécessités agricoles.

Franco de Andrea

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INPN, Inventaire National du Patrimoine Naturel