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Odette Dévaud 

elle fait du miel une happy culture

Depuis une vingtaine d’années, avec son mari « responsable matériel » (mais pas que…), elle exploite ses ruches juste sous le château de Rue. Une activité prenante, très complémentaire à son potager, et en lien direct avec la nature qui nourrit l’esprit et régale les papilles. Comme pour les abeilles ouvrières, ce bonheur a un prix : la patience, l’observation et le travail.

Au moment où paraît ce troisième numéro du « Pavé », c’est la pleine saison chez Odette et André Dévaud. L’année ne sera cependant pas aussi faste que 2022, qui fut exceptionnelle avec 3 récoltes et jusqu’à 35kg de miel dans les ruches les plus fortes. Mais elle sera bien meilleure que 2019, année où le gel a mis à l’épreuve les arbres en fleurs. Comme l’agriculture, l’apiculture doit s’adapter chaque année à de nouvelles conditions.

Indispensables à la pollinisation

N’empêche , il y a actuellement quelque 2’000 pontes par jour ! Il faut bien ça  : une abeille ne vit que quelques semaines pendant la saison (quelques mois en hiver, et quelques années pour une reine) et il y a de plus beaucoup « d’accidents du travail ».
– Les abeilles peuvent par exemple être surprises par la pluie quand elles sont chargées de pollen, explique Odette Dévaud. Elles tombent et, parfois, ne se relèvent plus.

Tous les chiffres deviennent impressionnants avec les abeilles. Deux exemples :  il y en a plusieurs dizaines de milliers par ruche, et 1 kg de miel est le résultat de 100’000 sorties sur quelque 150 millions de fleurs, soit 100’000 km parcourus en vol (ce qui équivaut à 2,5 fois le tour de la terre). De véritables gardiennes de la biodiversité, indispensables à notre propre alimentation !

–  Tout cela de manière très locale, enchaîne Odette, car elles ne s’éloignent de la ruche que de 3km au maximum. C’est pour cela aussi que consommer du miel d’ici est vertueux : c’est un pur produit de la région élaboré avec les pollens de nos végétaux, ce qui est particulièrement indiqué pour les personnes allergiques car le corps peut ainsi s’y habituer.            

– Et notre miel, ajoute André, qui fait référence à ce qu’on peut trouver dans la grande distribution, n’est évidemment ni mélangé avec du sirop de glucose ni réchauffé…

Ne pas traiter en pleine journée

Un des dangers qui guettent les abeilles : les produits phytosanitaires. C’est pour cela qu’il ne faut pas traiter ses plantes en pleine journée.

– Lorsqu’il fait beau et chaud, les abeilles ont soif. Une ruche consomme environ 60 litres d’eau par année. Donc si on traite son talus contre les mauvaises herbes à 14h, quand tout est sec, les abeilles seront attirées par les gouttelettes mortelles. Le mieux, c’est de traiter le soir, quand elles sont à la ruche, ou alors le matin tôt, quand elles peuvent aller à la rosée.

Il y a aussi les attaques de frelons asiatiques (un essaim de ces prédateurs a été neutralisé l’année passée à Montet, tout près d’ici), lesquels nourrissent leur couvain avec des abeilles. Mais le principal péril, y compris pour les protégées des Dévaud, reste le varroa, un acarien plus petit qu’une tique qui transmet un virus dévastateur. Il n’existe sur le marché que quelques traitements contre ces parasites et, pour ne rien arranger, le varroa semble développer des résistances.

Nourrir les abeilles

Autres soucis des apiculteurs : les fauches des champs trop précoces au printemps et le pillage. Ce dernier se produit plutôt en automne : quand les abeilles ne trouvent plus assez à manger dans la nature, elles se servent parfois dans les autres ruches. Et il y a alors de la bagarre. C’est une des tâches d’Odette de nourrir ses carnioliennes – du nom de la race de ses abeilles –, dont il faut se rappeler qu’elles produisent d’abord le miel pour elles-mêmes, et non pour nos beaux yeux et nos papilles gourmandes. Une autre est d’aller récupérer les essaims, comme ce fut le cas le 15 mai dernier dans un pommier : quand elles se sentent à l’étroit, les abeilles s’en vont chercher meilleur habitat ailleurs. Mais elles manquent vite de nourriture et sont condamnées si Odette et son mari n’interviennent pas avec leur échelle et leur savoir-faire. Destination : une nouvelle ruche et un ou deux jours au frais à la cave pour les calmer. Encore faut-il que la reine soit là – c’est impératif – et suffisamment vigoureuse, sinon elles repartiront à l’aventure… Et là, contrairement à un nid de guêpes, il vaut mieux procéder en pleine journée (et avec des protections vestimentaires). « Le soir, elles auraient tendance à s’agripper sur vous car elles sentent le chaud. »

Dans la soixantaine, Odette et André, parents de deux filles (et grands-parents), ont le sourire permanent lorsqu’ils parlent de leurs activités apicoles, même s’ils les réduisent, passant de 24 à 18 ruches. « L’an passé, c’était fou et je ne peux décemment pas passer tout mon temps aux ruches », rigole Odette, dont la passion était née progressivement de l’observation des ruches toutes proches de l’abbé Demierre. Mécanicien à la retraite depuis 2 ans, André surenchérit, avec une œillade taquine à Odette : « J’ai moi aussi d’autres choses à faire à « l’atelier » que de m’occuper des ruches, des cadres et du matériel à réparer ou à entretenir ! »

Le miel des Dévaud (officiellement contrôlé par prélèvements réguliers) peut s’acheter directement chez eux, ou alors au salon de coiffure, à la crêperie ou encore chez les Charrière, producteurs d’œufs à Blessens. « C’est le terroir qui fait le goût, confie Odette. Nos abeilles vont par exemple aux pommiers et aux cerisiers. Celles d’un collègue d’Eschiens vont plutôt au colza et à la forêt : Rue et Eschiens, c’est tout proche, mais à l’arrivée on a des produits bien distincts. »

Alexandre Chatton