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C’est le benjamin du Conseil communal, et il s’y sent bien. Avec, sur les épaules, le poids conséquent d’un véritable serpent de mer (ou d’eau douce) qui ondule infatigablement depuis une vingtaine d’années: la réfection des canalisations
de la ville de Rue.
Le trentenaire en explique la problématique sans jamais se
départir de sa bonne humeur et de son sourire: la complexité, il y baigne quotidiennement en sifflotant.
Interview.

Patrick Périsset, la réfection de la route et des canalisations, c’est pour quand ?

Je pense que les travaux devraient débuter en 2024 et s’étendre jusqu’en 2025. On espérait 2023, mais il faut être très optimiste pour y croire encore. L’impact sur mon service est considérable : dès le moment où le canton a accepté de s’occuper de refaire la surface — la route lui appartient, elle est cantonale —, on peut enfin s’occuper de changer l’ensemble des infrastructures souterraines : l’eau potable, mais également les canalisations d’eaux claires et d’eaux usées.

Donc le remplacement de toutes ces conduites qui causent tant de tracas…

Exactement. Il faut savoir que la canalisation de l’eau potable date de 1919 environ. Elle a en tout cas plus de 100 ans, Rue a fait quelque chose d’assez précurseur à l’époque. Comparons avec les vil­lages de la commune : à Blessens, la canalisation a été développée dans les années 1990, et Gillarens et Promasens ont été équipés dans les années 1980. L’infrastructure de la ville de Rue est donc beaucoup plus ancienne. Les conduites sont en fonte, et malgré les problèmes actuels, on peut dire qu’elle est de qualité vu son âge : lorsque des fuites se produisent, c’est souvent au niveau des raccords, rarement du corps principal.

Quelle est la durée de vie prévue pour de telles installations ?

Aujourd’hui, on l’estime à environ 80 ans. C’est en tout cas ce qu’on vise.

Après les travaux, la route sera-t-elle la même ?

Non, du tout, ce sera globale­ment mieux. Les pavés occuperont une plus grande surface, la routesera plus étroite pour les véhicules, mais les trottoirs plus larges pour les piétons. La limite de vitesse de­vrait passer de 40 à 30 km/h, ce qui limitera les nuisances sonores. Il y aura également moins de places de parc, mais les places actuelles ne sont plus aux normes et dès le moment où on refait tout, on doit les adapter.

L’interdiction de circuler des camions, mesure urgente mise en place en gros depuis une année pour minimiser les vibrations, est-elle bénéfique pour les canalisations ?

On ne peut honnêtement pas en mesurer l’impact. On n’a pas eu de fuite depuis, mais ce n’est pas un indicateur fiable sur une aussi courte période. L’interdiction des poids lourds avait été instau­rée parce que si les canalisations sont de qualité pour l’époque, l’en­robage l’est moins pour absorber les« chocs « d’aujourd’hui. Cet en­robage est constitué de matériaux assez grossiers qui appuient sur les tuyaux ; actuellement, on uti­lise plutôt du sable fin. Il faut dire que le trafic, au début des années 1900, n’était pas comparable : ces conduites avaient été amenées à l’époque par chevaux depuis Pont-à-Mousson, en France (réd : entre Metz et Nancy, en Meurthe-et-Mo­selle). Je dis cela sous réserve : je suis sûr du moyen de transport, mais plus de la provenance. Cela dit, on ne s’est pas conten­té de cette interdiction pour amé­liorer la situation en attendant la réfection générale. Rue, qui n’était alimentée que par une branche (depuis sa source à Ursy), le sera bientôt par trois : cela fait quelques mois maintenant que la deuxième est opérationnelle, depuis la STEP d’Ecublens, et la troisième est pla­nifiée, depuis Blessens. Avoir trois arrivées d’eau différentes, cela de­vrait diminuer l’importance des cou­pures parce que moins de ménages seraient touchés.

Maintenant, on a vu cet été qu’à l’avenir, le problème pourrait en quelque sorte s’inverser — même si on semble moins concernés que d’autres avec nos diverses sources d’approvisionnement : plutôt que les fuites, c’est la pénurie d’eau qui pourrait nous préoccuper.

Dans le privé, en tant qu’ingénieur en génie civil, vous vous occupez éga­lement de ces problématiques d’in­frastructures hydrauliques, vous ne saturez pas ?

C’est vrai que les journées sont parfois rudes, mais toujours intéres­santes pour moi. Et puis, pour me changer les idées, j’ai aussi les dé­chetteries communales !

Avec la gestion des pneus« balan­cés « par-dessus les barrières depuis l’extérieur…

C’est notamment ça (rire !)

D’une manière générale, et dans votre manière de répondre aux questions, vous n’avez en tout cas pas l’air malheu­reux…

Non, pas du tout en effet. J’ap­prends en permanence au travail et au Conseil communal. J’aime ça, la complexité me stimule.

La ville de Rue, avec sa configuration et son patrimoine historique, n’en manque pas, vous êtes servi !

Oui, on ne peut pas y faire« n’im­porte quoi « et ça complique les pro­jets, que ce soit celui d’un parking ou d’une centrale de chauffage à distance. Il s’agit de préservation — et même de valorisation — du pa­trimoine, et il faut donc trouver une unité, une cohérence à tous nos projets.

Qu’attend-on pour débuter les travaux de réfection de la route à Rue ?

Les projets sont bien avancés, mais il s’agit maintenant de les chiffrer précisément en fonction de choix importants qui sont encore à faire : celui des matériaux (matière plastique ou fonte, par exemple) et celui de décider si on ferme complè­tement la route ou si on garde un passage intermittent sur une seule voie, ne serait-ce que pour assurer le maintien des transports publics. A ce stade, les coûts des travaux sou­terrains sont estimés entre 2,2 et 2,8 millions de francs. Finalement, c’est le Conseil général qui devra se prononcer.


Plan des conduites datant de 1911

Texte et photos : Alexandre Chatton